2015/10/13 Naples, Côte Amalfitaine
Naples, Capri et côte almafitaine
(13 -19 octobre 2015)
De dieu en dieu (Pluton, Apollon, Poséidon)
De poète en poète (Homère, Virgile)
(Pour voir le diaporama de Jean-Pierre, cliquez sur ce lien puis sur le rectangle noir qui apparaît)
Naples (13 octobre)
Baignée de nuées grises
la baie se gorge
de rayons filtrés
Déjà au temps des Grecs
(Néapolis, nom grec de Naples, signifiant Nouvelle ville)
Incroyable
ce que cette ville fut convoitée
A commencer par le Vésuve
(L’histoire de Naples fut une succession de dominations : normande, angevine, aragonaise bourbonnaise… et pour finir, maffieuse. Mais le maître absolu, c’est le volcan)
Sur la place à colonnes vaticanes
la foule syndicale
réclame du travail
(Naples, place du Plébiscite, manifestation)
Gilet pare-balles de rigueur
pour les représentants de l’ordre
De quel mal la ville est-elle le nom
(Naples est fébrile, présence policière un peu partout)
On se la joue Belle époque
au café d’un autre âge
Halte bienfaisante
(Naples, café Gambrinus, via Chiaia)
Couleurs foule et chansons
la vie grouille à l’étroit
au gré de la rue droite
qui partage la ville
Ca c’est du Naples pur jus
(La Sccapoli et rue Benedetto Croce)
Dans la rue comme dans les vitrines
la commedia dell’ arte
et les santons de la crèche
Le théâtre de la vie et ses représentations
Si j’étais saint Janvier
je la trouverai mauvaise
qu’on fasse passer mon sang
pour celui d’une baleine
et qu’on ne me croit pas capable
de faire une fois l’an
un petit miracle pour rassurer les gens
(Selon la tradition, lors de sa fête votive, le sang de saint Janvier doit se liquéfier, sinon c’est de mauvais augure pour la ville. Les mécréants expliquent que ce sang serait du sang de baleine qui ne coagule pas et peu s’écouler à la chaleur, provoquée par la foule et sa ferveur par exemple)
Herculanum (13 octobre)
Coulée de boues brûlantes
sur la ville balnéaire
A peine le temps de fuir
(Herculanum, 25 août 79)
Sous la ville moderne
une vile morte
juste sortie de gangue
(Herculanum a été enfouie sous une couche de vingt mètres de boues volcaniques solidifiées. La totalité de la ville n’a pas encore été dégagée. Elle fut oubliée, ignorée, jusqu’au début du XVIIIe siècle. Une ville a été bâtie par-dessus, Résina)
Poutres grillées grilles fondues
Forte présence de la catastrophe
Des mosaïques ont survécu
Voilà un beau dieu de la mer
pour faire rêver les femmes
en leur vestiaire
(Mosaïque de Triton, fils de Neptune et d’Amphitrite, dans le vestiaire des thermes des femmes)
Neptune et Amphitrite
ont résisté
Les dieux meurent
pas leur icône
(Superbe mosaïque colorée en pâte de verre)
Les rues n’ont pas d’ornières
Ville de riches
sans chars ni charrettes
(Ville de villégiature de 4 à 5000 habitants, en bord de mer, Herculanum avait des rues piétonnes où ne circulaient pas les véhicules des commerçants et des pêcheurs)
Les hangars à bateaux
ultimes refuges pour les derniers partants
Leur tombeau face à la mer
(300 corps furent retrouvés dans des remises proches de la mer. Qui étaient ces gens : des optimistes attendant la fin de l’éruption ou des riches hésitant à abandonner leurs biens ?)
La Solfatare de Pozzuoli, Monte Nuovo et lac Averne, Cume (14 octobre)
Lumière blanche aveuglante
chaleur et vapeur
Un volcan se cache
en plein cœur de la ville
Au plus fin de la croûte terrestre
le cratère se montre nu
dans les champs Phlégréens
Prêt à vomir
(La Solfatare est un cratère complètement dénudé, en activité, à la différence de la douzaine d’autres volcans qui l’entourent)
Les jets de vapeur soufrée
semblent un peu organisés
pour amuser les touristes
(Solfatare, présence suspecte de tuyaux souffleurs)
Sous nos pieds
Les enfers sonnent creux
On se trouve au plus près
des puissances souterraines
(Solfatare aux eaux bouillonnantes)
Ici la terre yoyote
Mobilité des lieux
(Le temple de Sérapis (Pluton ) à Pouzzoles s’est abaissé puis relevé de trois mètres de hauteur, phénomène de bradyséisme)
Les terres ardentes sont en mouvement
En une semaine
peut se créer une montagne
(Le monte Nuovo ou mont Neuf est un petit volcan qui a surgi en 1538 et s’est élevé en une semaine à 134 m de hauteur)
Détachée par le vent
la flute pend
Qu’en dit Pan
qu’on n’entend plus chanter
(Flûte de Pan géante accrochée dans un arbre du mont Neuf)
Au bout d’un long couloir
prophétise une vierge
Oracle des ombres
Ici pendant huit siècles
se fit entendre d’une bouche délirante
la voix d’un dieu
(Antre de la Sibylle, Cumes. Citée par Virgile (livre VI) :“C’est un antre immense creusé dans les flancs de la roche de Cumes”. La Sibylle communiquait aux hommes qui questionnaient Apollon, les réponses du dieu. Elle était la voix du Destin. “Le dieu la pénètre et l’inspire”. Gonflée d’un saint délire, elle dévoilait l’avenir en des propos “sibyllins”)
De l’antre à la lumière
par une voie sacrée
ascension vers le solaire
(Cumes. De la grotte de la Sibylle au temple d’Apollon sur l’acropole grecque, on progresse de l’ombre à la lumière)
Leurs ingénieurs savaient tout faire
Que d’esclaves ont du périr
à bâtir ce tunnel
(Crypte romaine de Cumes, long tunnel stratégique reliant la cité à la ville basse)
Ce n’est pas tous les jours
qu’on découvre
au creux d’un paisible lac
le passage pour l’empire des morts
(Lac Averne, lac de cratère)
Au passé sulfureux
du temps de la Sibylle
ce lac aujourd’hui bien tranquille
accueille les oiseaux
(Lac Averne, étymologiquement sans oiseau, à cause de ses émanations sulfureuses. Virgile : “De ce gouffre horrible s’exhalent d’impures vapeurs qui montent jusqu’aux cieux. Nul oiseau ne peut voler impunément au-dessus de ce lac”. Aujourd’hui, il est plein de foulques, de canards et de mouettes.)
Le poète savait
qu’en ce lieu on communique
avec les ombres
(Lac d’Averne, considéré par Virgile comme la porte des Enfers. C’est par là qu’Enée descend aux Enfers, l’empire des morts, avec la Sibylle, pour rencontrer son père décédé, Anchise)
L’enfer est né ici
d’être en présence
de forces qui nous dépassent
venues du profond de la Terre
(Les croyances et les mythes ont des lieux de naissance. Ce n’est pas par hasard que les romains ont eu ici l’idée des Enfers. Les champs Phlégréens et les tremblements de terre à répétition leur montraient qu’ils étaient situés sur un champ de forces souterraines qui les dominaient et qu’ils ont nommé les Enfers, où Pluton règne sur un monde d’ombres silencieuses “dans les profonds abîmes de la terre”. L’en-dessous figure l’au-delà)
De Sorrente à Capri, l’île aux secrets (15 octobre)
Par une tranchée torte
taillée dans une épaisse couche de basalte
on accède au minuscule port
Là-haut sur le plateau
siège une cité inaccessible
grouillante d’oliviers de citronniers
d’habitants et d’hôtels scintillants
le tout bien mélangé
(Sorrente)
Aujourd’hui l’île se mérite
Le bateau s’affaisse dans la vague
les femmes crient
(Mauvais temps, traversée houleuse)
L’île a perdu son cliché
en gagnant une auréole de nuages
Pleurent les touristes
et les marchands qui en vivent
Labyrinthe de villas arborées
Derrière chaque enceinte
des paysages secrets de fleurs
entremêlées à des colonnes antiques
(Villa san Michele, entre autres)
On dirait qu’ici chaque maison
a été bâtie
par un artiste du paysage
L’île en papillon
conserve des zones sauvages
Il suffit de quitter les foules
(Capri et Anacapri forment deux larges plateaux avec un habitat très dense. En dehors on trouve des espaces tranquilles avec grottes (grotte de Cybèle par exemple) forêts profondes, et deux monts, le monte Solaro et le monte Santa Maria)
Manger au cul des bus
étape inoubliable
sur notre chemin de pluie
(La pluie nous a poussés à la gare routière, seul espace à peu près abrité pour un groupe)
Au sol de l’église
le paradis perdu
que l’île s’acharne à rétablir
(Eglise Saint-Michel, parterre du paradis en maïolique)
Les papillons des cyclamens
déposent leur baiser
sur le tapis des feuilles mortes
(Anacapri, vers le mont Santa Maria)
Le chemin de croix
est doré
à l’or gras du business
(Chemin de croix d’Anacapri vers le mont Santa Maria. Le café se paie de deux à six euros selon les lieux !)
Au moment des châtaignes
fleurissent les cyclamens
à l’abri des fougères
La ville est belle au couchant
quand les façades pleines de soleil
estompent le gris des falaises
(Retour en bateau sur Sorrente)
Sentier des dieux, (16 octobre, d’Agérola à Positano)
Quelques paysans
accrochent encore leurs vignes aux terrasses
tandis que les touristes
s’accrochent à celles des marchands
Vieux méditerranéens
accrochés à leurs maigres parois
où poussent bruyères et romarins
Vestiges paysans
chèvres terrasses
cabanes au gros dos en quête d’eau
par-dessus la jet set à piscines
Le soleil éblouit la mer
et nous gave de lumière
Détachée de la chaine des monts
l’éden prend le large
sur le radeau de son île
(On voit Capri au loin, dans le prolongement des monts Lattari)
Ah le jus d’orange pressé
mezzo mezzo
sur la place du village
avant la grande descente
sur la ville en gradins
(A Nocelle commence l’escalier de 1700 marches conduisant à Positano)
Lys et figuiers de barbarie cohabitent
Les bougainvilliers colorent les maisons
et diffusent l’optimisme solaire
Des écailles de maison
couvrent les pentes
La ville s’écoule vers la mer
Elle tient ses maisons
empilées sur la côte
Si tu enlèves un cube
tout dégringole vers le rocher des sirènes
(On dit que le nom de Positano pourrait venir de Poseidon, nom grec du dieu de la mer)
Abruptitude
De quelle beauté
es-tu le nom
Le plus beau cimetière du monde
Est celui où les tombes
se hissent l’une sur l’autre
pour mieux voir la mer
On vit et passe son éternité
en escalier
(Le cimetière de Positano est aussi en gradins, perché sur un bout de rocher)
Ici Jason et Windy
se sont cadenassés pour la vie
Comme Ulysse et Pénélope ?
(Maintenant partout répandus, de Prague à Paris en passant par Florence et Positano, les cadenas d’amour accrochés à des rambardes. Ces deux là avaient bien préparé leur coup puisque le cadenas est gravé à leurs noms)
Le bateau nous emporte
La ville replie son hémicycle
et disparait comme dans un rêve
A-t-elle vraiment existé
(Positano)
C’est quelque chose
de frôler un grand rêve
celui d’Ulysse
et du chant des sirènes
Le lieu du mythe
(Une tradition rapporte que les petits ilots rocheux de Galli, au large de Positano, seraient l’île des Sirènes d’Ulysse dans l’Odyssée. De même, Enée, le héros de Virgile, frôle les rochers des Sirènes “écueils jadis funestes, et blanchis des ossements d’innombrables victimes”. A l’époque moderne, l’île de Gallo Long, la plus grande de l’archipel, a été propriété du danseur Nouréev et lieu de séjour de célébrités comme Greta Garbo, Jacky Kennedy, etc.. Changement de mythe : l’île des Sirènes est devenue un mythe people !)
Le dieu solaire se meurt quand on arrive au port
Il a fait avec nous
tout le chemin des dieux
répondant à l’appel des sirènes
Ce soir le crépuscule
a l’odeur du citron
(Retour à Sorrente)
Amalfi, vallée de Ferrière (ou des moulins) et Ravello (17 octobre)
Dès l’entrée dans la ville
la cathédrale écrase le pèlerin
dérouté par le style oriental
Comme si elle n’était pas d’ici
Derrière la façade de théâtre
cloître crypte églises enchevêtrés
immense sanctuaire enfoui
Au cloître du Paradis
-hommage aux antiques péristyles -
le temps s’arrête
sous les arcades fuselées
pour un moment sérénité
(D’influence arabe, ce cloître du XIIIe siècle, unique en son genre, fait rêver à une réconciliation des religions)
La vieille ville se débrouille comme elle peut
avec ses colonnes et ses époques confondues
Termitière bazar médina, casbah
elle est un peu tout ça
Dans un dédale de galeries
circulent de vieilles fourmis
harassées d’escaliers
Un peu partout des crèches dans les rues
pour domestiquer son dieu
La tradition des Lares se perpétue
(Amalfi. Les Lares étaient les dieux ou génies domestiques des Romains, chargés de protéger la maison et la famille)
En amont un fleuve de citronniers
étayés de treilles en châtaignier
se répand sur la ville
(Le fleuve citronnier va se changer en limoncello omniprésent !)
Moulins en friche vieux bâtiments
Le vallon retourne
à la vie sauvage des cascades
(Val de Ferrière)
Loin de la foule et des apocalypses
dans un village désert
un cavalier descend les escaliers
(Pontone)
Au bout d’une allée
bordée de statues antiques
la terrasse de l’infini
où je n’ai pu me rendre
(Ravello)
Soirée funiculi funicula
Cette joie de vivre et de chanter
vous donne envie d’être napolitain
(Soirée au théâtre Tasso à Sorrento. Funiculi funicula est une célèbre chanson napolitaine composée en 1880 pour célébrer la création du funiculaire du Vésuve)
Tour du Vésuve (1281 m) et Pompéi (18 octobre)
Comme un kangourou
le volcan
en tient un autre dans sa poche
Monstre à deux têtes prêt à partir
(Le mont Vésuve est un cratère récent, contenu dans un autre plus ancien, le mont Somma)
Dangereux farceur
Il se fait oublier
Puis grosse colère
il explose
“Ici on levait les mains au ciel
Là on se persuadait
qu’il n’y avait plus de dieux
que cette nuit était la dernière
l’éternelle nuit
qui devait ensevelir le monde”
(Pline le Jeune racontant l’explosion de l’année 79)
Ou il se contente de baver
comme un vieillard d’hospice
(Coulée de lave de l’année 1944)
La dialectique du volcan
unité de la permanence et de l’impermanence
du calme et de l’explosion
Symbole bouddhiste
Un esprit sombre
s’est logé dans ces roches
Un vieux feu intérieur les habite
Artémises et lichens gris
minables fumerolles
animent ce désert
couleur de fin du monde
Les humains assiègent
la citadelle explosive
Ils ne pensent qu’à profiter de sa manne
ses cendres ses scories
son magma refroidi
L’enfer fabrique du paradis
(Le Vésuve est entouré par un tapis urbain très dense, on parle de 4 millions de personnes, entremêlé de cultures maraichères, florales et fruitières. Les géologues ont recensé 250 minéraux différents dans la composition de ses roches très fertiles)
Descente dans le cratère
Esquisse d’un voyage
au centre de la Terre
pour toucher les roches chaudes
et enfumer les fumerolles.
Ca c’est du volcan
effrayant fascinant à l’état pur
La beauté d’une épure
Cave canem
Ce chien noir attaché
qui menace les vivants
c’est le volcan
(Cave canem, “attention au chien”, est une inscription illustrée, en mosaïque, située au sol du parvis d’une villa de Pompéi)
Le Vésuve est un point chaud
Les kleenex jonchent la route
(Comprenne qui pourra)
Au milieu des vignes
dégustation des vins du volcan
Le blanc est doux comme un agneau
Queue de renard et lacryma christi
proclament Vesuvio veritas
(Les cépages du Vésuve, coda di volpe (vin blanc doux) et lacryma christi (rouge corsé) expriment la double identité du Vésuve)
La ville morte grouille de vie
On se bouscule pour voir
les convulsions du chien
l’enfant couché
l’homme qui se bouchait le nez
Les instantanés de la mort
(Pompéi)
Juste avant de mourir
on commerçait bon train
on mangeait à la taverne
on allait aux bains
les gladiateurs s’entrainaient
on baisait dans les lupanars
Pour certains juste avant de mourir
(La catastrophe de Pompéi ne fut sans doute pas une tragédie humaine globale. 1150 corps furent retrouvés pour une population d’environ 20 000 habitants. Le nombre de morts fut certainement plus important. Mais forts tremblements de terre, retrait de la mer, épaisses fumées, vapeurs noires, autant de signes avant-coureurs qui permirent à une partie de la population de s’enfuir avant que s’abatte sur la ville la pluie de cendre qui allait l’ensevelir.)
Le pin parasol
Image définitive de l’éruption
Quand j’en verrai un
je penserai Vésuve
(Pline le Jeune : “La nuée s’avançait dans l’air … Sa forme ressemblait à celle d’un arbre, et particulièrement d’un pin, car s’élevant vers le ciel comme un tronc immense, sa tête s’étendait en rameaux…Peut-être le nuage en s’affaiblissant s’affaissait sous son propre poids et se répandait en surface”)
Les dieux les mythes et les poètes
servent à dire
les forces les mystères
et les beautés de notre Terre
Jean- Claude Barbier
Catégorie : Voyages - Séjours - Terminés
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